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ESCOUBAS E. (8/6/2013)

Eliane ESCOUBAS  - Journée de Daseinsanalyse

                                                                  8 juin 2013.

 

 

Livre de Michèle GENNART :

CORPORÉITÉ ET PRÉSENCE – jalons pour une approche du corps dans la psychose

 

Comme prévu, je m’intéresse à la 3ème Section de la 2ème Partie du livre.

Il est intéressant de remarquer que la  2ème Partie est intitulée, « Les affleurements de la corporéité » et comporte 3 sections concernant 3 formes de corporéité :

1) le corps de chair, 2) le corps propre, 3) le corps apparaissant.

Or, le terme “affleurement” rassemble dnas cet intitule les trois corporéités 

Que dit le terme d’ « affleurement » ?

Le terme « affleurement » est composé du préfixe « af » c’est-àdire du préfixe latin « ad » qui veut dire « vers » (vers quelque chose). Vers quoi ? Vers la surface – c’est donc apparaître à la surface, émerger, toucher à la surface, monter à la surface et prêt à déborder (pour un liquide), se manifester en transparaissant, en perçant, en sortant. (Robert, Larousse).

C’est donc essentiellement se manifester au-dessus et au-dehors de quelque chose, transparaître, apparaître.

On voit que par cet intitulé qui concerne les trois modes de la  corporéité, ceux-ci ont quelque chose de plus ou moins commun : l’apparaître, le transparaître. Même si une seule de ces « corporéités » est désignée comme « apparaissante ».

 

Pour situer le corps apparaissant, je dois souligner et commenter  brièvement le deux notions de la « corporéité » qui le précédent dans le livre - tout en marquant tout de suite que ces trois corporéités, bien qu’étant différentes par définition dans l’analyse que présente l’auteur, sont intriquées et inséparables.

 

1) Le corps de chair : c’est, dit l’auteur,  « le corps porteur », celui du « prendre place », dit-elle aussi. Celui dont Heidegger écrit qu’il est « donnant place » (einraumend – Zollikoner Seminare, p. 130).

“Prendre place”, “donner place” suppose la notion d’espace. Et Heidegger affime en effet que « le Dasein est spatial », par essence (Sein und Zeit § 24). Cette primitivité de la spatialité du Dasein est souligné par M.G. comme « le moment de plus profonde latence », celui de « l’oubli » même de son espace propre.

La spatialité est la condition de possiblité du corps de chair, il coincide avec la spatialité, il en est dépendant à tel point qu’il l’oublie.

Pour commenter je voudrais proposer deux directions où s’inscrit le corps de chair : a) le corps de chair est alors la caractéristique, primitive du Dasein comme « être au monde » (cf. Sein und Zeit, §12, 13,14).  Etre-au-monde alors suppose = être spatial. Le corps de chair est alors sur le mode de l’ouverture  (et de son opposé, la fermeture). (cf c’est sans doute ce que M/G indique par le terme de « porosité »  – “poreux” càd. le dehors est aussi le dedans – ou plutôt il n’y a pas de dedans qui ne soit aussi un dehors et inversement.

b) Poreux, le corps de chair correspond sans doute  au  « corps sans organe » dont parle Deleuze et avant lui Antonin Artaud. Il n’y a pas d’organe de ce que M.G appelle le « prendre place » - le corps de chair n’est pas un « organisme ». Il est pure « ouverture ».

                           

2) Le corps propre : c’est celui, non plus du “prendre place”, mais du « prendre corps » dit M.G. C’est celui du « avoir consistance » - non plus « poreux », mais au contraire « consistant ». C’est le corps du « sentir » (du “Befinden”) et de la « douleur » (le « se sentir mal » missbefinden, cf. les analyses de Buytendijk , rapportées par M.G.). C’est le corps organique peut-on dire, en opposition au  corps « sans organes ».

 Et c’est surtout « mon » corps : « toujours déjà mien », dit Heidegger.

Mais parler de “mon” coprs”, cela ne va pas de soi ! Cela pose un problème. D’où vient cet attribut de « mienneté », cet attribut de « propre » ? Comment entendre “mon” propre corps, qui est aussi mon “corps propre” ? Au premier abord, cela peut paraître bizarre : sur quoi puis-je m’appuyer pour affirmer que CECI est « mon » corps et non celui de quelqu’un d’autre ? En un mot, comment puis-je affirmer que « ce » corps m’appartient, qu’il est ma « propriété », qu’il m’est « propre » et n’appartient pas à quelqu’un d’autre ?

Or, c’est précisément le « sentir » qui résout ce problème d’attribution et d’appartenance. “Sentir”, par exemple toucher, voir, entendre, etc (cf. Straus, dans la 1ère partie du livre).

Car il est clair que « sentir » c’est « sentir qu’on sent » (cf. Husserl, Ideen II pour le toucher et pour tous les sens). « Sentir » est toujours double : sentir et sentir qu’on sent. Ce n’est pas une question de réflexion, mais de redoublement. Si sentir, c’est sentir qu’on sent, c’est alors « se » sentir. Toute sensation est alors aussi sensation de « soi », sensation du corps propre, sensation du « mien ».

C’est pourquoi je peux dire que « ce » corps, que je sens AVEC toute sensation, est mon corps, corps propre donc – et « souffrir » est éminemment le « se sentir » du corps propre.

J’insiste : sentir, c’est se sentir, sentir le « propre », sentir le « corps propre ». Il n’y a donc pas d’autre fondement du « soi », du « mien » et du « propre » que le sentir.

Je dirai donc que le corps propre est le corps du « ressentir ». Et c’est pourquoi on ne peut confondre normalement son corps avec le corps d’un autre.

Alors le corps propre est désigné par l’auteur comme « l’aître du soi », l’habitation ou l’habitacle du soi. Et il est lui-même habité : comme je l’ai dit, il est « corps organique ».

Mais alors mon corps est le corps d’un individu, du « quelqu’un » que je suis et non pas un autre – et par conséquent le corps propre m’enferme en mon “soi-même” et apparaît comme celui de la « solitude » et du « solipsisme ».                           

 

3) J’en viens maintenant au « corps apparaissant » - qui est l’objet de mes analyses.

Tenter de décrire ou d’analyser le corps apparaissant, c’est tout d’abord demander ce que l’on entend par « apparaître ».

Que veut dire « apparaître » et que veut dire « apparaissant » ? 

Pour cela je m’adresse à Husserl et à Heidegger.

- Husserl, dans le Résumé des cinq Leçons sur « L’idée de la phénoménologie » (1907).

Husserl veut comprendre, dans ce résumé, ce qu’il appelle « la constitution de l’objet de l’expérience » et il en appelle à la notion de « phénomène » :

(je cite) : « Le mot phénomène a un double sens en vertu de la corrélation essentielle entre l’apparaître et ce qui apparaît. Phainomenon (le mot grec) signifie proprement ce qui apparaît, mais pourtant est employé de préférence pour désigner l’apparaître lui-même, pour le phénomène subjectif (s’il est permis de se servir de cette expression qui risque d’être entendue au sens grossièrement psychologique) ». Il ajoute : « Dans la réflexion, dans la cogitatio, l’apparaître lui-même devient objet, ce qui favorise la formation de l’équivoque » (trad. p. 116).

En suivant Husserl, je dirais donc que l’apparaissant est ce que Husserl désigne comme l’objet de l’expérience, c’est-à-dire l’étant, et l’apparaître est l’être de l’apparaissant - ce que Husserl regrette qu’on le dise « subjectif » - Déjà chez Husserl il faut dépasser les notions d’objectif et de subjectif.  L’apparaissant apparaît, mais son apparaître n’apparaît pas.

- Heidegger sera encore plus clair. Dans Sein und Zeit, § 7, il écrit :   (trois sens du « phénomène »- Erscheinung)

a) « L’expression grecque phainomenon à laquelle remonte le terme « phénomène » dérive du verbe phainesthai qui signifie « se montrer ». Comme signification de l’expression « phénomène » nous devons donc maintenir ceci : ce qui se montre en lui-même, le manifeste. Les phainomena sont alors l’ensemble de ce qui est au jour ou qui peut être porté à la lumière (phos), ce que les Grecs identifiaient parfois simplement avec ta onta, les étants…

b)  « C’est seulement dans la mesure où quelque chose prétend par son sens propre à se montrer, qu’il peut se montrer comme quelque chose qu’il n’est pas, qu’il peut seulement avoir l’air de…Dans la signification du phainomenon comme apparence est déjà incluse, comme son fondement même, la signification originelle (le phénomène comme le manifeste)…  

c) « Ce qu’on entend aussi par phénomène, sont des événements qui  se montrent et qui, tandis qu’ils se montrent et tels qu’ils se montrent « indiquent » quelque chose qui ne se montre pas. Ce phénomène comme « apparition » de quelque chose ne signifie justement pas « se montrer soi-même », mais le fait, pour quelque chose qui ne se montre pas, de s’annoncer par quelque chose qui se montre. L’apparaître ainsi entendu est un « ne pas se montrer ».

Et Heidegger ajoute : « Apparaître n’est possible que sur le fond d’un « se montrer de quelque chose » (trad. Martineau, p. 42)

Donc Heidegger rassemble ici clairement trois notions de l’apparaître : a) se montrer, b) avoir l’air de (l’apparence), c) annoncer quelque chose qui ne se montre pas (on pourrait dire symptôme ou signe)

 

Revenons au texte de M.G.

Il faut donc dire tout de suite que ce qu’on peut entendre par « le corps apparaissant », c’est tout d’abord et toujours un « se montrer » ; mais si ce corps est « apparaissant », il peut se montrer comme ce qu’il n’est pas (l’apparence), ou bien il peut annoncer quelque chose qui ne se montre pas.

C’est la corporéité apparaissante : ce que M.G. nomme le « corps physionomique ».

Nouveau terme, très important.

 Qu’est-ce donc que la corporéité physionomique ?             

C’est la façon dont le corps se présente. On pourrait sans doute dire qu’il s’agit ici du « comportement » au sens de Merleau-Ponty et non plus de l’organisme (cf mon commentaire ici même du « sentir » dans la Phénoménologie de la perception).

 La « physionomie » va ensemble avec la « présence ». Je rappelle  qu’il faut prendre « présence » au sens de Maldiney : être en avant de soi.  Et la physionomie apparaît en tant que mode de la présence, càd. de « l’être en avant de soi ». L’apparaître de la présence se donne par le « sentir » (toucher, vision, écoute, etc).

Dans son entente courante, la physionomie est l’ensemble des traits du visage, l’air qu’on a, l’attitude qu’on a, l’expression muette, l’aspect qu’on a ou qu’on se donne, ou l’apparence.

        Mais cet apparaître de la « physionomie » n’est pas un apparaître de soi à soi. Car l’apparaître de soi à soi, nous l’avons déjà dit, est un simple « ressentir » (c’est le corps propre).

      L’apparaître de la physionomie ne peut donc être qu’un apparaître  à un « autre » ou l’apparaître d’un « autre ».

Avec la physionomie, avec la présence physionomique, nous sortons de la solitude du corps propre, nous sortons du solipsisme. Nous sommes désormais au moins deux : le soi et l’autre (l’autre-soi). La corporéité physionomique pose donc l’intersubjectivité. Sans l’autre (l’autre soi), le corps propre n’a ni apparaître ni apparence. Il est seulement « ressenti ».

 

Que la position de l’intersubjectivité est nécessaire à la corporéité apparaissante. c’est bien ce qui est évident dans les analyses que Husserl fait de l’intersubjectivité (Voir les Ideen II et les Méditations cartésiennes). Evident aussi dans Sein und Zeit de Heidegger, où le Dasein est toujours en même temps « Mitsein », « être-avec ». Mieux : l’intersubjectivité est la dimension constituante d’un monde ; le monde est toujours « Mitwelt ».

Alors ne peut-on pas dire que le « In der Welt sein » (l’être-au-monde) heideggerien (que j’ai commenté ci-dessus comme porté par le corps de chair) est toujours déjà « Mitsein » (être-avec).

 

        L’ « apparaître » est donc toujours intersubjectif. Mieux encore : l’apparaître est toujours « entre-apparition », comme le dit très bien M.G. La corporéité apparaissante n’est jamais unilatérale. Et l’entre-apparition ( qui n’est pas un phénomène de conscience) est de l’ordre du « sentir ». Il faut souligner aussitôt, que si nous apparaissons « l’un à l’autre », cela ne signifie pas qu’il y ait symétrie, ni identité entre les deux « apparaître » entre nos deux « apparaître » - ni qu’il y ait réversibilité ou réciprocité.

        Non seulement il n’y a pas d’identité entre les deux apparitions (de l’autre et de soi), mais aussi dans l’analyse de M.G. chacune des deux apparitions mobilise des modes de présence différents : c’est-à-dire mobilise un « sentir » de type différent, des modes de « sentir » différents. C’est ainsi que « l’apparaître d’autrui » (la physionomie d’autrui, tel qu’il m’apparaît) passe surtout par ce que M.G désigne comme le « geste » au sens large. Ou en tous cas peut être analysé à partir de la notion de « geste ». Alors que « mon apparaître à autrui » peut être analysé à partir du « visuel » et du « visible ».

       Mais je pense que si M.G distingue méthodologiquement l’apparaître gestuel et l’apparaître visible, il est pourtant évident que les deux apparaissants (le soi et l’autre soi) disposent, chacun,  des deux formes d’apparaître : la forme gestuelle et la forme visible (c’est à confirmer par M.G.).

Je suppose que c’est pour faciliter l’analyse M.G. distingue l’apparaître d’autrui et l’apparaître soi-même.

 

A) l’apparaître d’autrui.

Je soulignerai deux choses dans l’analyse de M.G. :

a) c’est le moment de la rencontre et de l’échange : « Nous rencontrons autrui à même sa vie physionomique » - « L’entre-apparition a dans son fond le caractère d’un échange » (p. 221)

b) le geste est « la rencontre physionomique première » : « notre attitude dans son ensemble est geste » (id). Et : « la mise en forme corporelle du geste se décide dans l’événement de la rencontre » - « sa forme est communication » (p. 224). « Le geste ne signale rien, il dessine un trait de présence » (p.225)

Exemples de « geste » (attitude) : la baillement, le soupir. Mais aussi la respiration (p. 233). Et la poignée de mains – qui est le commencement de l’échange. 

« Saisir un mouvement expressif, c’est d’abord se sentir visé par lui, et se demander ce qu’à travers ce geste l’autre nous veut ».

Saisir d’abord – puis comprendre.

Avec Straus et Zutt,  M.G. analyse les formes perverties de la communication physionomique : le geste « physionomique » peut devenir pure « emprise », « assujetissement pathique ». Comme le dit Straus, je peux suivre ou fuir.

- Straus dit aussi le geste, qui est cette « communication » physionomique, est « sans langue » (p. 232)

-Quant à Zutt (critique par M.G. des notions qu’il emploie de l’intérieur/extérieur – mais elle dit « : « Zutt réhabilite ces deux notions, comme non pas des régions du corps physique, mais du corps physionomique » (p. 237).

 

Il y a donc une ambiguïté du geste physionomique : montrer/cacher : « présenter une façade » (p. 241) Cf l’acteur, le vêtement.

D’où le possible  écroulement de l’évidence de la rencontre :

Zutt : « les physionomies familières deviennent non-familières » (p. 243). Une inquiétante étrangeté. Blankenburg : perte de l’évidence naturelle (p. 244-246). Se sentir menacé : défiance et désabritement du soi jusqu’à l’expérience paranoïde (p. 247).

Sur ce point je voudrais mentionner Strinberg, tel que l’analyse Binswanger (qui analyse à partir de la pathographie de Jaspers et des journaux de Strindberg lui-même). Je veux souligner que Binswanger ne met pas l’accent sur les « idées » délirantes de Strindberg, mais sur son mode d’expérience corporelle (décharges électriques, mouvement des meubles et des murs qui se dirigent vers lui, etc) et sur ce qu’il appelle une logique du destin, opposée à la logique des événements, laquelle est celle de la consécution naturelle, celle des enchaînements naturels.

 

M.G questionne : « comment s’est formée cette base qu’est le lien de familiarité ? » p. 244-248.

         = Husserl, intersubjectivité constituante et intersubjectivité constituée. (à expliciter) (p. 8 de mes notes de lecture).                  

Je l’expliciterai dans ma conclusion.

 

B) l’apparaître soi-même.

Cette face de l’apparaître permet à M.G. d’analyser une autre modalité que celle du geste au sens large. Désormais il y va du « visible » - et du « regard ».

Apparaître, c’est être visible. C’est ce qu’elle appelle « l’être en vue d’autrui » (p. 253). Cet « être en vue d’autrui » comporte deux dimensions : celle de l’échange inhérente à l’entre-apparition et la dimension du « vis-à-vis » ou de la confrontation. « Être en vu d’autrui », c’est être-vu par autrui. Et cela concerne le visage et le regard.

M.G explicite cela comme moment, non plus seulement de la rencontre et de l’échange, mais comme le moment de « la réponse et de l’appel » (p. 254) – c’est-à-dire du dialogue (mais du dialogue muet) : « « le dialogue est le mouvement d’un passage au travers des moments non-symétriques que sont la réponse et l’appel » (p. 259).

« Réponse et appel » : à cet égard, je voudrais mentionner les travaux du phénoménologue allemand Bernhard Waldenfels  qui emploie un mot tiré du français « réponse » : la « responsivité » - au fond ce que M.G. appelle « accueil ». (ex de livres de Waldenfels).

Il faut ajouter que « l’être en vue d’autrui », c’est la physionomie comme « surface » (p. 273).

Et alors que notre « corps propre » est la condition de possibilité de la souffrance, notre corps apparaissant porte notre « vulnérabilité ».

Ce qui se passe alors c’est la possibilité de l’anéantissement par le regard de l’autre. Un regard qui peut m’objectiver, me réifier, me détruire en somme. C’est l’analyse de Sartre dans « L’être et le néant » - ex : la honte. (je renvoie aux travaux et exposés de Ph. Cabestan).

En revanche, je voudrais lire un passage de Merleau-Ponty issu de la Préface du recueil « Signes » (p. 24 de « Signes » page ci-jointe, à lire).   A LIRE Ici.

 

Et je cite de nouveau M.G : « Ce qui menace spécifiquement le corps apparaissant, c’est la destruction des limites qui lui sont essentielles, c’est l’infiltration de l’autre au cœur du soi ou l’écoulement du soi hors de soi » (p. 275). C’est donc la perte de la limitation, qui constitue alors la vulnérabilité de la corporéité apparaissante.

 Mais peut-être est-ce Blankenburg qui nous aidera le mieux à comprendre : « chez l’homme sain, écrit-il, on trouve à la place de l’alternative rigide, une oscillation subtile entre les deux pôles de l’affirmation de soi et du don de soi, du prendre et de l’être-pris » (p. 271-272).

                  

Il reste encore à examiner « l’apparaître de soi dans le miroir » : (p. 267 sq). Je me demande : « Suis-je celle que je crois être ? » Epreuve de moi comme une autre, où je fais l’expérience en direct de mon « entre-apparition ». Je cite M.G p. 269 : « Jetés en face de nous-mêmes, nous faisons l’épreuve de ce que nous ne coïncidons avec nous-mêmes, que nous ne sommes pas notre corps, que nous avons à l’incarner, à « exister » l’identité » 

     

 

Conclusion :

Husserl – Intersubjectivité constituée et intersubjectivité constituante.

Je rappelle la question : M.G. a demandé : comment s’est formée cette base qu’est le lien de la familiarité (et son contraire : l’étrangeté) (p. 244).

Elle répond : « Tâchons donc de ressaisir plus théoriquement les deux niveaux où se joue la rencontre. Le niveau de l’intersubjectivité constituée est celui où nous nous rencontrons les uns les autres, au présent et interpersonnellement, développant chaque fois une intrigue relationnelle singulière. Mais dans la mesure où quelque chose se passe, la situation interpersonnelle présente n’est pas totalement constituée. C’est par ce qui excède son cadre présent qu’elle fait signe vers une nouvelle dimension, constituante cette fois, de l’intersubjectivité. Ce second niveau est celui par où la rencontre interpersonnelle concrète modifie notre relation à l’autre comme tel, module notre disposition fondamentale à l’égard du monde humain dans son ensemble…. Comme le souligne Blankenburg, les modes de temporalité qui caractérisent la vie intersubjective respectivement constituée et constituante ne se recouvrent pas. La première relève du temps incidentiel, la seconde de l’histoire intérieure de la vie, c’est-à-dire d’un temps destinal. »… « Notre être l’un avec l’autre est transcendantal au sens précis où il possède une « fonction édificatrice de monde ».

Temps incidentiel : un temps occasionnel, une situation.

Temps destinal : un temps qui se forme tout au long de mon histoire et qui n’est pas simplement occasionnel. Le temps qui fait la continuité de notre « être-au-monde », càd. de notre corporéité charnelle : le sous-bassement de notre « être-au-monde ». Autrement dit ce que M.G a appelé la corporéité charnelle, qui est (comme je l’ai dit) notre « ouverture » au monde, est la forme constituante de notre inter-subjectivité.

 

 

 

 

 

 

 

 

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